CHIRAC

2 years ago
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C'était une première : France 2 proposa, courant octobre 2006, un documentaire consacré au président de la République, alors qu'il était encore en exercice. Réalisé par Patrick Rotman, intitulé "CHIRAC", ce film en deux volets fut diffusé en première partie de soirée. (...)

Plutôt irrévérencieux, le "CHIRAC" de Patrick Rotman est une longue biographie en images qui raconte en deux fois 110 minutes - Le Jeune Loup, jusqu'en 1981 et Le Vieux Lion, de 1981 à 2006 - "l'itinéraire d'un animal de la politique à travers son temps". Comme le souligna le réalisateur à l'époque, "Jacques Chirac est le seul à avoir été ministre ou premier ministre de ses quatre prédécesseurs à l’Élysée : de Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterrand. Avec lui, on revisite l'histoire de la Ve République, de la guerre d'Algérie à aujourd'hui en passant par mai 68, mai 1981, les cohabitations".

Il aura fallu dix-huit mois à Patrick Rotman pour boucler ce film. Une quarantaine d'entretiens avaient été réalisés avec l'aide de Pierre Favier, ancien chef du service politique à l'Agence France-Presse (AFP), accrédité pendant quatorze ans à l’Élysée sous François Mitterrand, et d'Anne Fulda, journaliste au Figaro, qui avait quitté l'équipe en septembre 2005.

Proches, ex-amis et adversaires délivrent devant la caméra un commentaire sévère sur celui qu'ils avaient surnommé, au fil des ans, "bulldozer", "hélicoptère", "facho-Chirac" ou "serre-la-louche". Ils soulignèrent ses contradictions, ses trahisons, ses paradoxes. On revoit aussi ses deux "parrains" en politique, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, dont le réalisateur rappelle ce mot : "Chirac est un formidable jockey qui saute bien les obstacles. Le seul ennui est que lorsqu'on enlève les obstacles, il continue à sauter."

Patrick Rotman avait conduit les entretiens sans discuter auparavant avec les intéressés, car "ce qu'ils disent hors caméra, ils ne le répètent plus quand elle tourne". Ainsi, l'ancien premier ministre Raymond Barre ne pratiqua pas la langue de bois. Avec son petit sourire blasé, il lance : "Chirac a une capacité à changer de position et de politique qui fait de lui un opportuniste majeur, j'allais dire, mais je le dis, un chevalier de l'opportunisme." Il parle ouvertement de "la corruption" à la Mairie de Paris. Avec sa faconde, Charles Pasqua accable son vieux complice, tout en laissant filtrer une pointe d'admiration. "Je suis volontairement resté modéré dans le commentaire, car, sur le fond, la violence des propos est terrible", expliqua Patrick Rotman.

Mais à travers témoignages et images, on découvre aussi un Chirac tourmenté et secret, un homme souvent blessé "qui ne s'est jamais aimé". "Je crois que ce n'est pas quelqu'un que l'on déteste vraiment, dit Patrick Rotman. Il affiche une forme de simplicité, voire de simplisme, mais c'est un masque, une apparence. À la différence de Mitterrand, Chirac a le complexe de lui-même, de la parole et des idées", poursuit-il. (...)

Une demande d'entretien avait été envoyée à Jacques Chirac en février 2005, mais Patrick Rotman a reçu, six mois plus tard, dit-il, une réponse négative. Interrogée par Le Monde, Claude Chirac, alors conseillère en communication du président, précisa pourquoi son père n'avait pas souhaité participer à ce portrait : "S'observer alors que l'on est dans l'action politique, ce n'est pas sa démarche, ni sa nature." Elle releva aussi que les personnalités retenues pour témoigner "ne sont pas forcément au cœur de ce qu'il est aujourd'hui", notant, par exemple, l'absence d'Alain Juppé.

Valéry Giscard d'Estaing, Édouard Balladur, Dominique de Villepin, Jean-Pierre Raffarin avaient également refusé de témoigner. Nicolas Sarkozy parle mais, prudent, pèse chacun de ses mots.

À l’Élysée, Claude Chirac assura que personne n'avait encore vu le film, parvenu au secrétaire général, Frédéric Salat-Baroux, le 18 septembre 2006. Elle aurait imaginé qu'il soit envoyé directement au président. " On le regardera à la télévision. On essaiera de ne pas le rater. Quand on saura à quelle date il est diffusé...", dit-elle. Une manière de conserver la distance.
Béatrice Gurrey et Daniel Psenny

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