« La police tue » : pourquoi il faut refuser d’obtempérer à la diabolisation de cette formule

10 months ago
38

« La police tue » : pourquoi il faut refuser d’obtempérer à la diabolisation de cette formule

Article de Fabrice Pliskin •

Un jeune homme est mort, tué par un policier, mais, n’en déplaise à La Palice, il ne faut pas dire que « la police tue ». « La police tue » : slogan outrancier, irresponsable, scandaleux, factieux, pour ne pas dire assassin, s’écrient à l’unisson la droite et l’extrême droite. Comme si dire « la police tue » constituait le crime cardinal de cette tragédie.

Ce discours n’est pas nouveau. C’est le vieux rigodon réactionnaire du bel écrivain et grand mystificateur Joseph de Maistre (1753-1821). Selon Maistre, l’autorité, « puissance adorable », a toujours raison, même quand elle a tort. Même quand elle tue un innocent. Même quand elle calomnie Dreyfus. L’auteur des « Soirées de Saint-Pétersbourg » maudissait les révolutionnaires d’avoir remis en cause, au nom des Lumières, les fondements providentiels de l’autorité, où « tout, jusqu’au crime, porte l’empreinte de la grandeur ».

Dans le credo royaliste de Joseph de Maistre, comme, semble-t-il, dans celui des droites contemporaines, le pouvoir est légitime jusque dans ses abus et ses violences. « Dans tous les cas de rébellion, les excès même de la puissance qui se défend sont à la charge du rebelle. » Il est vrai que Maistre n’appliquait pas cette maxime à un refus d’obtempérer, mais au massacre de la Saint-Barthélémy (« Pour l’éviter, il n’y avait qu’à pas se révolter »). Dire que la police ne tue pas quand la police tue, c’est sanctifier ses crimes et, pour paraphraser Maistre, mettre ses excès à la charge de ses victimes. C’est ôter à la notion d’abus de pouvoir tout pouvoir et tout sens. C’est taire la vérité quand la vérité s’oppose à l’autorité de l’autorité. Pour Maistre et ses épigones, l’esprit d’examen, qui « met la discussion à la place de l’obéissance », n’est-il pas l’« ennemi mortel de toute raison nationale » ?

Mais allons plus loin. En France, où le bon usage de la langue est ferment de discorde, où la grammaire est une passion nationale, la dispute autour de cette formule, « la police tue », n’est-elle pas aussi une affaire de littérature ?

« La police tue » : anatomie d’une métonymie
« La police tue », c’est ce qu’on appelle une métonymie.

Le mot « police » est ce qu’on appelle un nom collectif.

Le nom collectif représente un ensemble, un groupe, on n’ose pas dire une bande.

Dans la phrase « la police tue », « police » est une figure de rhétorique. La « police » désigne, par un rapport de contiguïté, les policiers, les hommes et les femmes qui constituent les services de police.

C’est une métonymie, trope qui permet de désigner quelque chose par le nom d’un élément du même ensemble, et, plus exactement, une synecdoque, cette forme de métonymie qui permet de substituer à un mot l’une des parties de l’ensemble qu’il désigne (la partie pour le tout) ou cet ensemble lui-même (le tout pour la partie).

Je dis « une voile » pour désigner un bateau (la partie pour le tout).

Je dis « la France » pour désigner l’équipe de France de football, « la police » pour désigner des policiers (le tout pour la partie).

Alerte essentialisation
Comme Quintilien, l’auteur de « l’Institution oratoire », la droite, l’extrême droite se défient de la métonymie, cette racaille.

Selon elles, il ne faut pas dire : « la police tue ».

Pourquoi ?

Parce que c’est faux. Tous les policiers ne tuent pas.

La chose est indéniable.

Et il ne faut pas dire de manière absolue « la police ». Alerte essentialisation.

Par souci de pédagogie, prenons deux exemples simples, pour donner à voir les fondements fallacieux de cet interdit pervers.

Il ne faut pas dire « la police tue ».

https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/la-police-tue-pourquoi-il-faut-refuser-d-obtemp%C3%A9rer-%C3%A0-la-diabolisation-de-cette-formule/ar-AA1ddlhr?ocid=msedgdhp&pc=u531&cvid=787fe28085fa458c841ad1c2e65fe4a9&ei=15

Loading comments...